
Au quotidien, dans de nombreux services et établissements sanitaires, sociaux et médico-sociaux, le respect de l’intimité et de la vie sexuelle des personnes accompagnées est une source permanente de questionnements éthiques qui concernent autant les personnes accompagnées et leur entourage que les professionnels. Comment concilier le respect de la pudeur des personnes avec les impératifs du soin ? Comment assurer la protection physique et psychique des personnes vulnérables sans menacer leur intimité ? Quelles sont les limites du soin et de l’accompagnement face à une protection légitime des vulnérabilités ? Quand basculent-ils vers une surveillance intrusive et un contrôle abusif ? Comment accueillir et accompagner les normes de l’intimité de l’autre ? Quelle place pour les représentations des professionnels face au corps, à la vie privée ou à la sexualité des personnes ? Souvent vécue comme une source d’embarras ou de contraintes, la vie sexuelle des personnes vulnérables suscite fréquemment des interrogations. Entre tabous, silence, déni ou rejet, jusqu’où les soignants doivent-ils ou peuvent-ils accompagner cette sexualité ? En réunissant de nombreux acteurs d’horizons différents, cette deuxième journée de l’EREPL veut privilégier l’expression de la diversité des pratiques, des points de vue, des questionnements au bénéfice d’une réflexion éthique collégiale sur la place de l’intimité dans le soin et l’accompagnement.



Le 21 février 2018 s’est tenu à la Manufacture des Tabac à Nantes, dans le cadre des états généraux de la Bioéthique, le 5ème débat citoyen de l’EREPL : « L’Assistance Médicale à la Procréation (A.M.P.) pour tou·te·s?
Pour tenir compte de la capacité d’accueil de la salle municipale de la Manufacture et respecter les consignes de sécurité, une inscription par mail avait été prévue. En quelques jours, les 200 places disponibles furent réservées.
Le débat commence par les interventions de Paul Barrière, (Professeur des Universités, Praticien Hospitalier – Chef du pôle hospitalo-universitaire (PHU) 5 « femme-enfant-adolescent » – Responsable du centre AMP du CHU de Nantes), Magalie Bouteille (Maitre de conférences en droit privé – Le Mans-Université) et Aurélien Dutier, (Philosophe, Chargé de mission de l’Espace de Réflexion Ethique des Pays de la Loire) qui posent le cadre médical, les repères juridiques et les grandes pistes de réflexion éthiques du débat.
Trois grandes thématiques sont proposées pour structurer le cadre des échanges :
- De nouveaux critères d’accès à l’A.M.P. ? (Discussion autour de la loi actuelle : Article L2141-2 : « Couple formé d’un homme et d’une femme, vivants, en âge de procréer»
- De nouveaux droits ? (Droit à l’enfant vs Droit de l’enfant ? Droit à connaitre ses origines ? Levée de l’anonymat du don de gamètes ? )
- De nouvelles approches ? (De nouvelles normes familiales ? Une nouvelle place pour la technique ? Quelle place pour l’autoconservation « sociétale » des ovocytes ? Faut-il interroger la gratuité du don de gamètes ? Repenser le remboursement de l’A.M.P. ? Quels enjeux autour de la GPA ? )
Antony Torzec, journaliste, anime le débat en s’appuyant sur cette trame. Avec le Dr Miguel Jean, il rappelle l’importance de l’écoute et du respect de chacun pour garantir un débat démocratique et serein. « Ni spectacle, ni tribune ! »
Dès les premières prises de paroles dans la salle, les tensions sont palpables et les échanges parfois musclés. Du côté des personnes opposées à l’ouverture de l’AMP, les menaces contre « l’intérêt de l’enfant » sont rapidement mises en avant. « L’enfant a le droit d’avoir un père et une mère ». Un intervenant parle de la « déliquescence des familles sans autorité paternelle ». Un autre « ne souhaite pas que demain la France soit gouvernée par des psychologues qui prennent en charge nos enfants ». La médecine n’aurait pas, pour ce participant, « vocation à soulager un désir d’enfant » et un autre est « vivement attristé et opposé à toute forme d’AMP » car « il s’agit non pas de médecins qui soignent mais d’experts qui manipulent. »
Du côté des personnes favorables à l’ouverture de l’AMP, l’égalité des droits et le refus des discriminations sont mis en avant. Une participante, « ne veux pas que les familles monoparentales soient considérées comme un délitement de la société. Je pense qu’aujourd’hui il est temps que les femmes seules et les couples homosexuels accèdent à l’égalité des droits d’accéder à la parentalité en France ». Pour une autre intervenante, « l’homosexualité n’est ni illégale ni pathologique alors nos enfants et nos familles n’ont pas à faire l’objet d’une observation particulière».
Les prises de paroles et les réactions parfois tendues des participants témoignent de positions souvent irréconciliables. Pour autant, cette réunion aura contribué à ouvrir un espace d’échanges qui trouve sa place dans les Etats généraux de la bioéthique 2018.







Mouvoir librement son corps, circuler librement dans un espace, entrer et sortir librement d’un établissement, choisir librement son lieu de vie, …autant de droits fondamentaux que toute personne peut légitimement revendiquer quelle que soit sa situation.
Pourtant, dans le champ sanitaire, social et médico-social, le respect de cette liberté se heurte fréquemment à des impératifs, des contraintes ou des limitations : mise en place de mesures de contention ou d’isolement, limitation de la libre circulation dans un établissement, absence d’accessibilité de l’espace pour les personnes en situation de handicap….
Qu’elles soient subies ou choisies, directes ou indirectes, physiques ou psycho-sociales, les différentes limitations de la liberté d’aller et venir des personnes accompagnées ou soignées méritent d’être interrogées, évaluées et discutées à travers le prisme de la réflexion éthique.
La thématique de la liberté d’aller et venir ne saurait être cantonnée aux seuls questionnements éthiques concernant le recours à la contention dans le domaine du soin ou de l’accompagnement. Une pluralité d’enjeux peut être pensée et articulée autour de cette liberté première :
– Comment concilier le respect de la liberté et l’impératif de protection des personnes, en particulier lorsque leurs capacités cognitives, leurs possibilités de communication et de discernement sont altérées ?
– Comment appréhender l’organisation de l’espace du soin en fonction des besoins, des capacités et des choix des personnes accompagnées ?
– Comment, en établissement médico-social, réconcilier les contraintes imposées par une organisation collective et les besoins singuliers des personnes accompagnées ?
– Quel équilibre trouver entre la prise en compte de la vulnérabilité des personnes et le respect de leur choix ?
– De quelle façon l’organisation spatiale du soin et de l’accompagnement révèle-t-elle quelque chose de notre rapport intime à l’espace et au temps ?
– Comment repenser l’accessibilité des personnes en situation de handicap ?
La 3ème journée de l’EREPL propose d’aborder la thématique transversale de la liberté d’aller et venir en la confrontant à différentes pratiques, à différents regards (médecine, philosophie, politique, histoire, droit, urbanisme, etc…) et à différents espaces de vie (établissement sanitaire, social ou médico-social, domicile, Ville, …)